La Gauche en Europe et en France et l’ écologie politique (2)

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Au fond, […] la politique conduite par François Hollande témoigne de l’épuisement du rôle historique de la social-démocratie.

Philippe Frémeaux, Journées d’été d’Europe Ecologie 2014

Où en est l’ écologie politique?

Confrontée à l’évolution précédemment décrite chez celui qu’ elle a choisi comme son puissant partenaire, tant en France qu’en Allemagne et en Belgique, l’ écologie politique subit par contagion une crise d’orientation. Les termes de la contradiction dans laquelle elle se meut, et les deux stratégies et courants qui les incarnent nous pourrions tenter de les résumer de la façon suivante :

1-Une stratégie développée depuis le début de la décennie 1990, de virage à gauche et de recherche d’un partenariat avec la social-démocratie (en France le PS). Le but était, à l’ époque, de s’insérer dans le jeu des institutions tant de la Ve République, que de l’Allemagne Fédérale nouvellement unifiée (et également, au niveau fédéral, en Belgique avec Ecolo) en nouant une alliance avec la social-Joschkdémocratie, dans l’espoir d’obtenir du partenaire des avancées législatives en matière environnementale par la négociation au sein de la coalition. En France, par exemple, Dominique Voynet après l’arrivée au pouvoir en 1997 de la gauche plurielle, est nommée au ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire. En Belgique, Olivier Deleuze devient secrétaire d’État fédéral à l’Énergie et au Développement durable Ecolo de 1999 à 2003. En Allemagne, Joschka Fischer est ministre des affaires étrangères et vice-chancelier dans les gouvernements Schröder I et II de 1998 à 2005. Cette mouvance devient majoritaire au sein de ces différents partis verts.

2-Des courants d’opinion, plus qu’une stratégie au sens propre, assez disparates, (par exemple, les « fundis » chez les verts outre-Rhin). Ces mouvances sont en général plus réservées, voire réticentes, vis-à-vis de la stratégie d’alliance décrite au paragraphe précédent. Essentiellement par crainte des concessions plus ou moins importantes qu’une telle stratégie rend quasiment inévitables si l’on veut gouverner dans la durée. Ces concessions, dans une négociation du partenaire faible au partenaire fort, étaient perçues, par ces courants, comme menant à des renoncements purs et simples sur des points importants du programme vert (en France, par exemple, à l’ époque de la Gauche Plurielle il y a eu refus catégorique du gouvernement Jospin de remettre en question le rôle de l’Énergie Nucléaire).

L’héritage durable des vingt dernières années réside dans le fait que l’écologie politique, dans la perception qu’elle a d’elle-même, se situe, depuis les années 1990, majoritairement à « gauche », tant au niveau des dirigeants que des adhérents.

Cette perception souffre de plus en plus, toutefois, d’un flou croissant à mesure du brouillage, lui aussi croissant, du clivage gauche/centre/droite. Ce phénomène est dû dans une très large mesure à l’évolution de la social-démocratie décrite dans l’article précédent, et qui a, en France, conduit de fait le PS à renouer, inconsciemment ou non, avec la gauche républicaine libérale du XIXe siècle. L’invocation presque incantatoire au retour de la croissance puis, plus récemment, la défense de l’austérité budgétaire la plus orthodoxe, s’est substituée à toute autre ligne d’action, ce qui en dit long sur l’immobilisme et la carence totale d’idées de la direction socialiste (i).

En outre, chez les écologistes, une autre source de malaise, bien plus radicale et profonde, ne doit pas être méconnue, même si tous les verts n’en sont pas forcément très conscients.  Avec l’échec  de fait des grandes conférences de Kyoto et Copenhague sur le réchauffement climatique ainsi que de celle de Nagoya sur la biodiversité, les problèmes environnementaux ont atteint un niveau critique. Les conséquences de la dégradation de l’environnement sur les sociétés humaines, dans les pays du Sud comme du Nord, ont désormais une gravité inégalée, rendant d’ores et déjà passablement obsolètes, pour ne pas dire dérisoires, à la fois la référence à un positionnement gauche/droite, et l’obsession de se situer sur l’échiquier politique traditionnel.

En effet comme le font remarquer à juste titre Bonneuil et Fressoz dans l’« Evénement anthropocène » : « La polarité entre nature et liberté décrétée par la fraction « industrialiste » et libérale des Lumières (et souvent contestée par sa fraction « romantique », ou par les premiers socialistes dits utopiques qui voyaient dans   l’individualisme et la propriété les vrais ennemis de la liberté) mais aussi la coupure ontologique entre sujet humain et objet de nature, constitutives de la modernité occidentale industrielle, sont sérieusement questionnées à l’heure de l’anthropocène »(ii). Or, la gauche comme la droite “de gouvernement” actuelles sont héritières  des Lumières et de la révolution industrielle.

Rupture ?

Dans ces conditions, le problème des alliances prend, une fois de plus, pour l’écologie politique une acuité et une urgence particulières. En effet, tout parti vert sera, en l’état, confronté à des partenaires (à gauche comme au centre, voire à droite) qui sacrifient aveuglément et quasi religieusement au culte du retour à la croissance, du moins dans les discours qu’ils destinent aux médias et à leur électorat. En effet, cette croissance était la grande garante, à l’âge d’or des trente glorieuses, d’une certaine acceptation des inégalités par les plus défavorisés (qui voyaient également croître modestement leur revenu). De plus, l’idolâtrie de la croissance, pour cette non-pensée politique, tient lieu et dispense de toute analyse politique et sociale, le néo-libéralisme courant, accepté de façon a-critique, constituant son fonds commun.

(i) L’économiste P. Krugman dans le New York Times du 27 août 2014, parlant de l’attitude de F. Hollande en matière économique, la qualifie “d’adhésion servile aux exigences d’austérité de l’Allemagne et de Bruxelles”.

(ii) C. Bonneuil, J-B Fressoz , L’Evènement anthropocène, Le Seuil, Paris, p. 54. On peut substituer à mon sens sans problème le terme « productiviste » à « industrialiste »

 

 

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